Visuel conçu par Laure PLAN, sur une idée d'Orlando BASS, développée par Frédéric ALBOU

 

 

Sir William has something to tell you

 

Programme

 

Dmitri KABALEVSKY (1904-1984): Dix sonnets de William Shakespeare (composés en 1953, publiés en 1961), Op. 52 / Version anglaise reconstituée par Frédéric ALBOU

1. Or I shall live your epitaph to make (Sonnet 81)

2. Weary with toil I haste me to my bed (Sonnet 27)

3. My love is strengthened though more weak in seeming (Sonnet 102)

4. When to the sessions of sweet silent thought (Sonnet 30)

5. Cupid laid by his brand and fell asleep (Sonnet 153)

6. O that you were yourself, but Love, you are (Sonnet 13)

7. Music to hear, why hearst thou music sadly (Sonnet 8)

8. No longer mourn for me when I am dead (Sonnet 71)

9. Then hate me if thou wilt, if ever, now (Sonnet 90)

10. Why is my verse so barren of new pride? (Sonnet 78)

 

Dmitri SHOSTAKOVICH (1906-1975), tiré de Six Romances d'après la poésie anglaise, Op. 62 (1942)

5. Tired with all these, for restful death I cry (Sonnet 66)

 

Jean-Christophe ROSAZ (1961): To constant heart, Trois Sonnets de William Shakespeare, dédicacés à Frédéric ALBOU & Orlando BASS (2015)

1. As an unperfect actor on the stage (Sonnet 23)

2. From thee have I been absent in the spring (Sonnet 98)

3. What is your substance, whereof are you made? (Sonnet 53)

 

Grigori FRIED (1915-2012): Cinq Sonnets de William Shakespeare, Op. 34 (1964)

1. When I do count the clock that tells the time (Sonnet 12)

2. How heavy do I journey on my way (Sonnet 50)

3. Cupid laid by his brand and fell asleep (Sonnet 153)

4. Weary with toil I haste me to my bed (Sonnet 27)

5. When in disgrace with Fortune and men's eyes (Sonnet 29)

  

Frédéric ALBOU, bass-baritone

Orlando BASS, piano

 

Original Pronunciation provided and adjusted by

Paul WILLENBROCK

 

Photo et oeuvre de François Pohu-Lefevre. Avec l'amicale autorisation de l'artiste. Espace Christiane Peugeot, 3 mars 2018

Note d'intention

 

Vous croyez à une pirouette de marketing?

Relisez les sonnets de William Shakespeare: en dehors des personnes aimées, il s’adresse au lecteur du futur, l’appelle, l’évoque, l’interpelle, discute avec lui…

C’est bien NOUS, qui nous trouvons pris à témoin dans ces entretiens, avec la femme, ou l’homme aimé.

 

De nombreux compositeurs du XXème siècle ont abordé ces sonnets, notamment en Russie. C’est pourquoi nous avons voulu proposer un dialogue entre les compositeurs russes (Shostakovich, Kabalevsky et Fried), et des compositeurs français contemporains, Jean-Christophe Rosaz, et le pianiste Orlando Bass.

La lecture de ces compositeurs renforce l’idée de ce dialogue, entre Sir William et nous, puisque c’est avec un langage musical tourné vers notre temps, qu’ils font parler ses vers.

 

S’il est question d’amour, dans les sonnets de Sir William, c’est bien plus dans la perspective métaphysique, que pour l’intérêt de la transgression homosexuelle, que ses réflexions nous interpellent. La poésie intime de Shakespeare est étrangement torturée et exigeante: c’est au temps, à la dégradation de l’âge, à la mort, que Sir William confronte l’Amour. Il oppose l’aspiration à l’éternité, à la qualité de mortel… et assez vite, c’est la poésie, qui devient le seul monument possible permettant de dépasser la mort, et d’immortaliser, et l’Amour, et l’être aimé, et le poète… Et c’est là, très exactement, que les lecteurs du futur, que nous sommes, interviennent. Car, dans cette conversation, où nous sommes invités à nous mêler, Shakespeare remporte son pari fou, de défier la Mort, et d’arracher l’immortalité… par notre lecture, et par la manière dont les compositeurs s’emparent de cette poésie, et lui donnent vie.

 

Dans ce programme, nous avons le plaisir de présenter des oeuvres de notre ami Jean-Christophe Rosaz, spécialement dédicacée à notre intention, ainsi que du talentueux pianiste et compositeur Orlando Bass.

Nous avons aussi choisi pour ce programme le célèbre Sonnet 66, mis en musique par Dmitri Shostakovich, dans son cycle consacré à la poésie anglaise, Op. 62.

 

Avec Dmitri Kabalevsky, j’ai choisi de donner pour la première fois une version anglaise de ses Dix sonnets de William Shakespeare, Op. 52, convaincu que c’est le voeu originel du compositeur, et que c’est ce qui explique le décalage entre la composition de l’opus, en 1953, et sa publication, en 1961. Au demeurant, 3 ans après, en 1964, Grigori Fried est le premier compositeur en Russie soviétique autorisé à publier en bilingue ses Cinq sonnets de William Shakespeare, Op. 34… qui, au demeurant, est peut-être sa plus belle oeuvre!

Aborder Sir William en 2020

 

 

Les traductions des sonnets de Shakespeare présentent une difficulté, dans le projet de rendre leur sens accessible au public: celles qui sont publiées livrent de 40 à 65 % du sens original des textes! Or… les compositeurs mettent en musique 100 % de ce sens. Dans certains cas, il y a ambivalence de sens… et des compositeurs comme Shostakovich, Fried, ou Rosaz, embrassent la complexité des sens en concurrence… qu’il faut donc bien transmettre au public.

C’est ce qui m’a convaincu de préparer une traduction, qui s’approche le plus possible des 90 % de sens original des textes. J’ai pour cela choisi le rythme de l’alexandrin, pour rendre une part du rythme poétique de la langue anglaise (cela fait indubitablement partie du sens, comme contexte, de ces poèmes!), mais j’ai renoncé aux rimes: l’effort virtuose de Jean Malaplate est bien au détriment du sens… et je tiens à ce que mes spectateurs comprennent ce que Kabalevsky, ou Fried, mettent en musique!

 

Ma traduction sera donc déposée, et publiée dans la jaquette du disque que nous projetons d’enregistrer, avec Orlando Bass!

 

Se pose également la question de la prononciation de la langue de Sir William.

Passionnément engagé dans un travail de recherche sur les différentes manières de prononcer l'Ancien ou le Moyen Français, ainsi que le Latin, dans les périodes anciennes... parce qu'il est question de poésie, et de musique, et donc, de sonorités, de rythmes, d'accentuation, et que chanter la poésie de Guillaume de Machault en prononçant le français comme aujourd'hui me paraît vide de sens, j'ai été immédiatement séduit par la proposition de mon ami Paul WILLEMBROCK, de m'initier aux mystères de l'Original Pronunciation, pour la poésie de Sir William.

En effet, en plus de la restitution de sonorités, qui constituent une bonne part de l'univers du poète, cette prononciation présente le mérite de réajuster un grand nombre de rimes, qui avaient disparu, dans la prononciation moderne de la langue anglaise.

 

Aussi, à partir de 2020, le public découvrira ce programme dans une nouvelle version, sous l'experte surveillance de Paul!

Vous pouvez découvrir son travail sur cette page.

Dmitri Kabalevsky: Ten Sonnets by Wiliam Shakespeare, Opus 52

English original version established by Frédéric ALBOU.

Frédéric ALBOU, bass.

Orlando BASS, piano.

Original pronunciation established by Paul WILLENBROCK.

Recorded during a live performance, given in Issy-les-Moulineaux, March 8th, 2020, in the "Dimanches en mélodie" organized by Frédéric LEMAIRE

Dmitri KABALEVSKY: Then hate me when thou wilt if ever now, Sonnet 90 by William Shakespeare, Op. 52 n° 9

Frédéric ALBOU, bass-baritone, Orlando BASS, piano.

Espace Christiane Peugeot, during the exhibition "Evasions # 1", organised by Philippos VAZAKAS.

March 3rd 2018

Jean-Christophe Rosaz: For constant heart, song cycle after Sonnets by William Shakespeare (n° 23, 98 & 53)

Frédéric ALBOU, bass.

Orlando BASS, piano.

Original pronunciation established by Paul WILLENBROCK.

Recorded during the live performance of the World Premiere, given in Issy-les-Moulineaux, March 8th, 2020, in the "Dimanches en mélodie" organized by Frédéric LEMAIRE

Grigori Fried: Weary with toil I haste me to my bed, Op. 34 n° 4

Sonnet 27 by William Shakespeare

Frédéric ALBOU, bass-baritone, Orlando BASS, piano.

Espace Christiane Peugeot, during the exhibition "Evasions # 1", organised by Philippos VAZAKAS.

March 3rd 2018

Discover the complete programme:

Frédéric ALBOU, bass.

Orlando BASS, piano.

Original pronunciation established by Paul WILLENBROCK.

Recorded during a live performance, given in Issy-les-Moulineaux, March 8th, 2020, in the "Dimanches en mélodie" organized by Frédéric LEMAIRE

Concert virtuel, enregistré en confinement professionnel, du 8 au 10 juillet 2020, avec Frédéric ALBOU, basse, & Orlando BASS, piano, à l'initiative de Frédéric LEMAIRE, pour les "Dimanches en mélodies" & la Médiathèque Centre Ville d'Issy-les-Moulineaux, dans la salle d'orgue du Conservatoire Niedermeyer d'Issy-les-Moulineaux, piano Steinway de 1991. Original English pronunciation prepared par Paul WILLENBROCK

Evasions

 

E-vadere, en latin, “sortir de”.

 

De où?

Et pour aller où?

 

En général, de nos prisons… réelles, ou intérieures, pour gagner des ailleurs imaginaires, où nous nous rêvons meilleurs, et accomplis.

 

cf. Slogan publicitaire de Spotify: “Evadez-vous en musique”!

 

Mais, plus concrètement, cela nous pose des questions profondes.

 

Une exposition s’ouvrant à Paris, montrant des oeuvres d’artistes grecs, pose la question de l’Europe.

 

Spécialement quand le lieu de l’exposition se situe “avenue de la Grande Armée”, pour qui se souvient du projet européen, par lequel l’Empereur des Français prétendait offrir aux peuples d’Europe la “lumière” des “Droits de l’Homme.”

 

Car, en grande partie, cette lumière lui a été inspirée, par le relais de beaucoup d’autres penseurs, par les Grecs, par la civilisation éclatante, qui, de l’époque Minoenne à la première expérience de la Démocratie athénienne, en passant par la conscience collective de la koinè, de la philè, et du théâtre, a peu à peu constitué le sentiment d’une appartenance COLLECTIVE, dans laquelle de fortes individualités, comme celles d’Agamemnon, d’Ulysse, d’Achille, ont commencé à comprendre qu’elles étaient plus fortes ENSEMBLE qu’individuellement!

 

La conscience du collectif, de l’appartenance, du destin commun, de la CULTURE, c’est aux Grecs que nous la devons!

Nous en sommes les héritiers, par l’histoire, par notre identité artistique, par le Droit, par un ART DE VIVRE, par la langue, puisque pratiquement tous les lexiques spécialisés, dans les langues européennes et dérivées, viennent du grec ancien!!!


Dans l’Europe de 2017, un autre problème fait face à la question grecque: c’est le BREXIT!

 

La manière dont nous illustrons musicalement le projet Évasions, c’est de proposer ce programme, consacré à des mises en musiques de Sonnets de William SHAKESPEARE.

 

Au-delà de toutes considérations, aujourd’hui, AUCUN responsable européen sérieux, conscient, n’oserait nier que l’oeuvre de Shakespeare compte comme un des apports majeurs du patrimoine culturel européen!

 

En choisissant ce répertoire, pour répondre aux œuvres des artistes grecs, nous illustrons la notion d'ÉVASION!

 

De même que nous mettons en question la manière dont une certaine Europe des actionnaires et des subprimes montre la Grèce du doigt, la Grèce, à laquelle l’Europe doit toute son essence!, de même, nous interrogeons cette même Europe des actionnaires et des subprimes, qui a collectivement aboutit à la situation du BREXIT (un problème de riches, nous en sommes conscients, mais qui a aussi de douloureuses conséquences humaines, sur le territoire européen), en interrogeant: jusqu’où le bannissement de la Grande-Bretagne (fût-il sa propre décision) doit-il être assumé?

 

En soulignant combien les œuvres de Shakespeare, et les créations de la Grèce, moderne comme Antique, constituent des parts de notre ÂME COMMUNE, nous interrogeons le sens de l’ESPACE COMMUN!

 

C’est bien là faire oeuvre d’EVASION!

Interroger le LOCVS COMMVNVS, pour en discuter les limites, les frontières, au besoin les bousculer.

 

Et… pour ce faire, voici quelques symboles forts.

Dans cet événement, organisé dans l’Espace Christiane Peugeot, “espace commun” lieu… d’évasion PAR EXCELLENCE, sous la bienveillance de Christiane Peugeot et de François Péhu-Lefebvre, sous la direction de Philippos Vazakas, grec, lui-même artiste protéiforme, en compagnie du pianiste Orlando Bass, franco-anglais, nous vous proposons un programme musical de plusieurs Sonnets de Sir William, mis en musique… aux XXè & XXIè siècles, par Dmitri Shostakovich, Dmitri Kabalevsky, Grigori Fried, Michel Ciry, et Jean-Christophe Rosaz.

 

Il importe de rappeler que… lorsque les trois compositeurs russes du programme mettent en musique ces poésies, en Russie soviétique, les Sonnets de Shakespeare sont anathématisés par le régime comme comptant parmi les œuvres les plus scandaleuses, les plus individualistes, réactionnaires, et “formalistes” qui soient!

Autant les œuvres théâtrales de Sir William servent d’étalon à l’école soviétique éduquée par Meyerhold, autant ses sonnets sont haïs!

Qui plus est, publier en anglais revient à soutenir la langue de l’ennemi capitaliste: nous sommes entre les années 1943 et 1970, en pleine guerre froide, à une époque où on parle quotidiennement de l’escalade nucléaire entre les deux ennemis jurés!

 

Ce sont des musiciens, qui vont détendre l’atmosphère, et créer une forme d’EVASION en actes!

 

Le concours international Tchaïkovsky, qui se tient à Moscou en 1956, voit la victoire d’un pianiste américain, Van Cliburn. Gênés, les membres du jury vont consulter Khroushchiov, pour lui faire part de leur verdict: “Est-il le meilleur?”, leur répond-il. “Oui!”. “Alors, donnez-lui le prix!”.

Sans le savoir, Khroushchiov provoque alors le début d’une détente. Van Cliburn invite alors le chef d’orchestre Kirill Kondrashin, qui l’a dirigé, lors de son prix, à Moscou, pour une tournée triomphale, aux USA, entre 1956 et 1958, au cours de laquelle il rencontre le Président Eisenhower: nous sommes bel et bien en pleine EVASION!

 

Et.. c’est ce qui donne force à ces actes de résistance, par lesquels Shostakovich, Kabalevsky et Fried choisissent des traductions russes permettant de restituer les originaux anglais de Shakespeare.

 

Si la restitution a été proposée pour Shostakovich et Fried, c’est moi qui ai été le premier à la proposer, pour Kabalevsky: celui-ci a en effet attendu entre 1953 (date de composition du recueil) et 1961 pour publier ses Dix Sonnets de Shakespeare, Op. 52: le temps qu’il a fallu à son ami poète Samuil Marshak pour lui élaborer une traduction respectant à peu près la métrique des originaux anglais!

Autres exemples d'ÉVASION!!!

 

Tant et si bien que lorsque Grigori Fried publie ses Cinq Sonnets de William Shakespeare, en 1964, sur des traductions de Marshak, il est le PREMIER, en URSS, à obtenir l’autorisation de les publier en bilingue… Nous sommes après le rapprochement occasionné par Van Cliburn et Kondrashin, au moment où Shostakovich, Vishnevskaya et Rostropovich font la connaissance de Benjamin Britten et de Peter Pears: EVASION…, en l'occurrence, à Odessa!

 

Lorsque Jean-Christophe Rosaz m’a proposé de composer pour moi, très rapidement, ce sont les Sonnets de Shakespeare qui se sont imposés.

 

Une des raisons est aussi que, pour Sir William, le rapport à l’Espace-Temps était assez proche de celui d’Albert Einstein!

 

Dans ses Sonnets, Shakespeare, en effet, interpelle le lecteur du futur… VOUS et MOI!

Il dialogue avec nous, d’égal à égal, comme si nous étions sur un même plan de conscience vivante, et discute d’enjeux tels que la mort, la liberté, l’existence… l’Amour, bien sûr, la fidélité, le fait de vouloir le bien de l’autre, de l’être aimé, la descendance, la nature…

 

La plupart des Sonnets choisis par les compositeurs s’adressent à un homme… et, tout en affirmant un amour éternel, spirituellement, mais destiné à être emporté par la mort et l’oubli, soulignent, par ailleurs, l’urgence, pour l’homme aimé, de trouver une femme avec qui… se reproduire, afin de faire perdurer sa beauté, car l’immortalité gagnée par les sonnets ne pourra hélas pas en transmettre l’idée juste!!!

 

Là encore, c’est dire combien il est question… d’EVASION!!!

 

Quelques mots sur les mises en musique proposées dans ce programme.

Certes, de Shostakovich à Michel Ciry, ou Jean-Christophe Rosaz, nous abordons beaucoup de diversité dans l’écriture musicale, et la manière de traiter le rapport au texte. Même dans la Russie soviétique, on peut tracer d’importantes lignes de démarcation, de Shostakovich à Kabalevsky, puis à Grigori Fried (et on comprend mieux, du reste, l’évolution de l’un à l’autre, quand on connaît le cycle composé par Myeczyslaw Weinberg, dans les mêmes années).

Pourtant, sur quelques axes fondamentaux, le travail des compositeurs réunis pour ce programme se rejoint, en un mouvement cohérent.

En effet, à la différence des cycles composés en Russie sur les traductions des Sonnets de Shakespeare par le poète Gerbel (très beau travail, qui restitue une grande part de la profondeur et de la complexité des originaux anglais, mais au prix d’une rythmique, d’une prosodie radicalement indépendantes de ceux-là), les œuvres de notre programme impliquent la possibilité de faire entendre les Sonnets dans la langue de Shakespeare.

Il est frappant que, par-delà les variations de vitesses, de rythmes, d’accompagnements musicaux, chacune de ces œuvres semble partir d’une volonté d’observer un débit du texte coïncidant à celui de la lecture parlée, ou déclamée.

Les répétitions de fragments de vers, ou de vers, sont d’ailleurs très rares, dans le programme. Les mises en musique se présentent comme traitements des textes in extenso, la musique évoluant au gré de la progression des idées, et des contenus.

La structure forte du sonnet, repérable dans les schémas de rimes (la plupart du temps: a-b-a-b / c-d-c-d / e-f-e-f / g-g) conditionne la structure musicale: le matériau thématique observe généralement une architecture permettant d’identifier les deux premiers quatrains, le troisième se présentant comme une variation des deux premiers, et le distique finale étant distingué comme le message ultime, délivré avec puissance, ou subtilité.

La ligne mélodique est donc également un enjeu, pour porter le sens de la déclamation musicale. Du coup, nous nous trouvons devant des œuvres modernes, ou contemporaines, ciselées avec un vrai sens de la poésie musicale, à la fois exigeantes et accessibles au grand public.

Bien sûr, la pensée de Shakespeare est complexe, souvent difficile, voire ambiguë. Les accompagnements musicaux se chargent de créer des atmosphères profondes. L’ambiguïté est magnifiquement suggérée par Shostakovich, tandis que la fausse placidité de l’ensemble de Kabalevsky cache des zones d’ombres parfois déchirantes, ou des trouées de puissance, qui se déploient dans d’étonnants solos pianistiques. Chez Grigori Fried, l’art de faire sonner les dissonances, d’utiliser la polytonalité, et de créer un univers riche, où l’étrange devient fascinant, épouse à merveille les lignes mélodiques expressives et passionnées.

On retrouve dans le travail de Jean-Christophe Rosaz des traits communs, tant dans la capacité à dépeindre les ressorts de la peur, de la terreur métaphysique, devant les enjeux de l’éternité, mais aussi la délicatesse des émotions, la pure beauté du sentiment poétique, la fraîcheur, le tout constituant un remarquable catalogue de poésie musicale, à la mesure des textes du poète éternel!

Plus encore que le Sonnet 66 de Shostakovich, le recueil de Kabalevsky a connu un succès immédiat, dès sa publication, en 1955, à Moscou. La plupart des grands barytons et basses ont chanté le cycle, complet ou écourté, au récital. Le compositeur lui-même l’a enregistré à 3 reprises, avec la grande basse Marke Reizen, avec le baryton Chibisov, puis avec le jeune baryton Leiferkus. Pavel Lisitsian, gloire du Bolchoï, en a enregistré quelques numéros, tout comme le légendaire Ivan Petrov. A Leningrad, Boris Shtokolov, chanteur favori du Kirov, promène le cycle, de même que Boris Gmyrja à Kiev. Par la suite, Evgeny Nesterenko, Yuri Mazurok, Alexandre Vedernikov, ont à leur tour tenu à s’identifier à ce très beau cycle.

Etrangement, les rares anglophones qui ont abordé le cycle l’ont fait… en russe!

C’est peut-être le succès du recueil de Kabalevsky qui a poussé Grigori Fried à composer lui aussi un cycle sur les sonnets de Sir William: il reprend d’ailleurs deux numéros abordés par Kabalevsky (27 & 153). Pourtant, apparemment ceux-ci sont restés sans être enregistrés jusqu’à aujourd’hui, et il n’est pas même certain qu’ils aient été chantés, connaissant le même sort, peut-être, que l’Opus 48 de Weinberg.

 

Lorsque Jean-Christophe Rosaz a commencé d’évoquer la possibilité de composer un cycle que je pourrais créer, les sonnets de Shakespeare sont arrivés parmi les premières propositions. Le cycle est destiné à comprendre 3 pièces, la dernière étant en cours de composition. C’est donc une version temporaire, que nous proposons pour le moment. Une des caractéristiques de ce cycle est la fascinante unité qu’il dévoile, d’une pièce à l’autre, proposant des effets d’architecture réellement saisissants.

Témoin de notre temps, un poète ayant vécu de 1564 à 1616 ?

 

Bien sûr, William Shakespeare est réputé comme le plus grand auteur de théâtre anglais, et l’un des plus grands de l’histoire de l’humanité… Certaines de ses pièces, comme Roméo & Juliette, parlent encore tellement à l’imaginaire collectif, qu’elles sont adaptées, au cinéma, ou sur la scène de la comédie musicale, avec un succès constant.

Pour les Anglais et anglophones, Shakespeare reste également profondément ancré dans le rapport même au langage : la manière dont le poète joue avec les mots, avec légèreté, ou en ouvrant un abîme entre le monde verbal et celui de la réalité, distendant à l’extrême la distance possible entre le signe et l’objet, semble toujours nourrir aujourd’hui la manière dont les gens éduqués utilisent la langue, en particulier dans le domaine de l’humour, du nonsense !

 

Shakespeare est moins connu, comme auteur de quelques longs poèmes épiques (Venus and Adonis, The rape of Lucretia)… mais il occupe une place particulière comme poète lyrique, laissant derrière lui un étonnant corpus de sonnets, publiés à la fin de sa vie. Apparemment prévus pour former deux groupes distincts, ces sonnets sont aujourd’hui connus comme un tout, par les amoureux de littérature.

 

Ecrits dans un style particulièrement intense, concentré, dans une langue extrêmement ramassée et exigeante, exploitant toutes les dynamiques possibles offertes par la forme poétique, ces poèmes constituent un des plus vastes ensembles de son temps en langue anglaise. Sans atteindre les proportions de Du Bellay, et surtout de Ronsard, le nombre de sonnets de Shakespeare (154) a ceci de particulier… qu’il atteint le nombre des psaumes de la Bible… C’est pourquoi j’aime à leur apposer le sous-titre de Psaumes de l’amour humain !

 

Le thème central de ces textes est l’amour… même s’il s’adresse à plusieurs destinataires différents. L’amour est envisagé comme visée sur l’Eternité : le sentiment profond aspire à dépasser la barrière humaine de la mort. Le poète vise clairement à dépasser sa propre époque, à la fois dans ses sentiments, et par le moyen de son écriture. Il jette sur son temps un regard souvent désabusé, et regarde vers l’avenir, convoquant dans sa méditation les regards, les langues, les consciences… de ceux qui sont encore à naître !

A bien des égards, c’est donc directement à nous, qu’il s’adresse ! Nous sommes les lecteurs auxquels il confie la peinture de ses amours, des visages qu’il a aimés, la description, l’évocation, des personnes qui lui sont chères… et pour lesquelles il revendique l’Eternité. Il accepte la nécessité de mourir en la monnayant par cette éternité, la conscience de survivre dans l’admiration des générations à venir, et en confiant à ces générations le souvenir de la personne aimée, et de son amour !

Aussi… le regard sur la condition humaine, ses limites, tout ce qui la rend tragique, terre-à-terre, soumise aux lois de la biologie et du temps, s’applique-t-il également à nous. Voici un prophète venu du passé, qui réalise le miracle de transgresser les lois du temps, par le moyen d’une plume et de simples feuilles… par l’action de son génie, et qui, défiant les lois auxquelles nous sommes soumis nous-mêmes… éveille en nous l’interrogation… devant ce même temps, et les moyens d’en dépasser les lois. Au moment-même où nous concevons des moyens fous pour éviter de vieillir, ou contredire le vieillissement, pour tromper la mort, et pour asseoir définitivement la domination de notre modèle de civilisation (qui, en partie, hérite du modèle dans lequel vivait le poète), au prix d’un rapport à notre environnement qui pourrait aussi bien précipiter notre chute, et mettre fin à l’expérience de la vie sur Terre, le poète-prophète nous pose cette question : au moyen de l’inspiration, du génie, de ce qu’il y a de meilleur dans une civilisation, la créativité, cultivée aux cimes du génie, il nous interroge : saurons-nous seulement trouver les clés pour qu’un avenir soit possible… pour nos enfants ? Il nous le demande… parce que, pour revendiquer son immortalité, il a besoin que nous soyons capables d’évoluer… pour seulement permettre un avenir !

 

En quoi les 154 Sonnets de Sir William peuvent-ils être actuels, pour nous?
En dehors du fait que ces poèmes, qu'on pourrait qualifier de "Psaumes de l'amour humain", constituent un des recueils de textes amoureux parmi les plus forts et intenses de notre histoire, l'amour y ouvre également une méditation grave sur le temps, sur la mort, sur la survie, sur les générations futures, sur l'éternité, sur le rôle de l'écriture, sur le choix de s'incarner... et de laisser une descendance. Un regard sévère sur sa propre époque ouvre, pour le poète, une fenêtre sur celle des hommes dont les yeux n'existent pas encore, dont les langues sont encore à créer... C'est nous, qu'il évoque, dont il invoque la lecture, sans cesse, cette lecture, par laquelle l'être qu'il aime pourra connaître une forme d'immortalité, qui sera le cadeau suprême de son amour.
Ces textes hantent tellement l'imaginaire collectif que les musiciens les mettent en musique, aujourd'hui encore. Avant, ou après la Seconde-Guerre Mondiale, plusieurs compositeurs, russes ou français, les choisissent comme écrans des terribles tensions de leur monde... et, dans la situation tendue où l'homme se trouve actuellement, s'interrogeant sur sa relation à son environnement, la définition de son pouvoir, et la possibilité d'un avenir, ces textes continuent d'inspirer les créateurs, et deviennent porteurs d'une étrange dimension prophétique.

Vous pourrez découvrir le cycle Opus 52 de Dimitri Kabalevsky, exécuté pour la première fois avec les textes originaux anglais de Shakespeare, ainsi que le Sonnet mis en musique par Shostakovich, qui a probablement servi de modèle aux autres compositeurs russes. Vous découvrirez également deux mélodies de Michel Ciry, compositeur français complètement oublié, dont le pianiste Orlando Bass est devenu le principal défenseur. Enfin, en première mondiale, vous pourrez entendre les deux premiers Sonnets composés par Jean-Christophe Rosaz, pour le cycle "Three Sonnets by William Shakespeare", à l'intention des deux interprètes.

 

C’est en 1943 que Dimitri Shostakovich achève le cycle Opus 62 de Romances sur la poésie anglaise, parmi lesquelles il met en musique le Sonnet 66 de Shakespeare, « Tired with all these, for restful death I cry ». Quelques remarques, au-delà de cette composition musicale saisissante, par son dépouillement, sa nudité sidérante, presque violente, émotionnellement. En fait, dans cette pièce, Shostakovich jette les bases de la manière dont les compositeurs russes vont traiter les Sonnets de Shakespeare après lui : un cadre thématique et harmonique clair permet de souligner la structure poétique, les quatrains, et le distique final, organisant des échos, ou des contrastes, à partir d’infimes variations, qui sont autant de développements du matériau initial. Aucune répétition du texte, qui est traité comme une déclamation simplement mise en musique. Ces règles seront rigoureusement respectées, par la suite, par Weinberg, Kabalevsky, Sviridov, et d’autres. Par ailleurs, il est frappant de constater que la restitution du texte anglais original voit la musique épouser parfaitement ses accents linguistiques : le choix de la traduction a certainement été fait en vertu de ce critère. L’examen du reste des œuvres vocales de Shostakovich sur des textes de langues non russes (Japonais, Espagnol, Grec, Allemand, Yiddish, Anglo-Américain, Italien, Brésilien) révèle que le compositeur fait systématiquement ce choix. Le cycle Opus 33 de Weinberg, sur des Sonnets de Shakespeare, composé en 1946, visiblement en hommage à celui de son ami, part pourtant d’une traduction russe qui rend pratiquement impossible la restitution des originaux anglais, et implique donc un choix distinct, pour le compositeur d’origine polonaise.

 

On retrouve ce choix, chez Kabalevsky, pour son Opus 52. Il est même à souligner que le compositeur doit attendre plusieurs années entre la composition, l’achèvement de son cycle (1953 à 1955) et la date de sa publication (1961). Il faut ajouter que le compositeur tenait suffisamment à ce cycle, pour l’enregistrer à 3 reprises, avec des chanteurs de différentes générations : Shaposhnikov était un baryton dont la carrière s’est surtout déployée dans les années 40 et 50, Mark Reizen était la plus grande basse de la période stalinienne, dont la longévité hors-norme a prolongé l’activité jusque dans les années 70, et le baryton Sergei Leiferkus, alors représentant de la jeune génération, est encore en activité aujourd’hui. Quand on sait que Kabalevsky parlait couramment 8 langues étrangères, et que l’anglais est celle qu’il parlait le mieux, en dehors de sa langue maternelle, le choix d’un cycle comprenant 10 Sonnets de Shakespeare pose des questions : il paraît peu vraisemblable qu’il ait voulu le composer sur des traductions russes. A l’évidence, Kabalevsky connaissait ces textes dans leur version anglaise d’origine, et a envisagé, pour un cycle aussi long, de les mettre en musique dans cette version. C’est dans la librairie des Muses Galantes, gérée par l’ancien chanteur Jean-Claude Darcey, que j’ai trouvé, il y a plusieurs années, un exemplaire de l’édition soviétique originale de ce cycle. Ce n’est que plusieurs années plus tard, que j’ai eu l’idée de tenter de leur restituer les textes d’origine : j’ai pu constater avec quelle facilité ils s’adaptaient à la musique… mieux encore, en fait, que les traductions du poète russe Samuel Marshak ! Pourtant, cette restitution est proposée ici pour la première fois. Nous sommes fiers de vous proposer ce qui correspondait probablement au vœu du compositeur !

L’ensemble est saisissant… même s’il est pris dans une polémique sur le style de composition musicale. En effet, nombre de critique, de musiciens, de musicologues, sinon de compositeurs, reprocheront à Kabalevsky la simplicité de sa musique. Un célèbre spécialiste anglais a ainsi refusé d’inscrire ce cycle dans une programmation, au prétexte que la musique en serait « pauvre » ! A cela, Kabalevsky répond lui-même, d’une manière saisissante, et tout à fait consciente, en terminant son cycle par le Sonnet 78 de Shakespeare, qui fonctionne comme un véritable Art poétique. Tout en reprenant le matériau musical du Sonnet 81, avec lequel il ouvre le cycle, mais en accéléré, comme pour imposer l’image de la légèreté, du bonheur, il pratique quelques modulations, quelques épices harmoniques, dans un style énigmatique, en soulignant avec humour les réflexions de Shakespeare :

 

« Pourquoi donc mes vers sont-ils si gonflés d’une fierté nouvelle, / Si éloignés de toute variation, ou de tout changement abrupt ? Pourquoi, avec le temps, ne regardé-je pas au loin / Vers des méthodes cultivant la nouveauté, ou des procédés venus de l’étranger ? / Pourquoi écris-je toujours de la même manière, / Et maintiens-je mon invention dans un costume connu de tous, / Au point que chaque mot dévoile presque mon nom, / Révélant leur naissance, et d’où ils descendent ? / Oh ! Sache, mon doux amour, que j’écris toujours à-propos de toi, / Et que toi et l’Amour sont toujours mon seul sujet, / Ainsi… ce que je fais de mieux habille de vieux mots comme nouveaux, / Dépensant à nouveau ce qui avait déjà été dépensé, / Car, de même que le soleil chaque jour est jeune et vieux, / Ainsi mon Amour redit toujours ce a été dit. »

 

Il est impossible d’être plus lucide que ne l’est Kabalevsky… surtout si l’on préfère l’original anglais à la traduction russe !

Aussi, les clés, les secrets de son cycle, doivent être cherchés derrière la simplicité (la pauvreté, diront ceux qui lisent trop vite !) apparente de la partition.

C’est avant tout une partition qui met formidablement en valeur ses interprètes, pianistes, autant que chanteurs ! Pratiquement tous les grands barytons, toutes les grandes basses, russes, ont tenu à inscrire ce cycle dans leur répertoire de concert… De grands chanteurs tels que Pavel Lisitsian, ou Ivan Petrov, ont rejoint les trois chanteurs de Kabalevsky dans les studios d’enregistrements…

En ce qui me concerne, j’ai essayé ce cycle par le passé avec différents partenaires au piano. Ce n’est qu’avec Orlando Bass qu’il a été possible de pleinement mettre en valeur tout ce que cette partition recèle de beautés, pour ceux qui savent y être attentifs. Le jeu du jeune pianiste français, dès les premières lectures, mettait en valeur les dissonances… latentes, sous-entendues, les angles morts d’une écriture… faussement naïve, et véritablement profonde… ouvrant même, parfois, de véritables abîmes ! Le travail a dès lors consisté, de manière passionnante, à équilibrer la lecture, en interrogeant la partition, ses moindres détails de nuances, de rubato (pratiquement tout est indiqué, minutieusement, par le compositeur)… allant jusqu’à comprendre, véritablement, que les diminuendi et les piani… peuvent être des indications de surcroît d’intensité !

 

Michel Ciry est un créateur absolument hors-norme, dans le XXème siècle français. Connu aujourd'hui comme peintre, graveur et écrivain (il vit dans le Musée de ses œuvres, à Varengeville sur Mer), il fut également un compositeur attachant, à l'univers sonore singulier, hautement personnel, actif de 1939 à la fin des années 50... après quoi il s'est détourné de la musique. Orlando Bass se passionne pour cette oeuvre originale, qui ose tourner le dos aux dogmes de Messiaen ou de Boulez, pour créer un univers plus accessible, tout en étant riche en surprises, et travaille à la redécouverte de ces partitions. Daté de 1939, le cycle sur la poésie anglaise est la plus ancienne connue de Michel Ciry à ce jour. On y trouve deux poèmes de Wiliiam Shakespeare, tous deux tirés de pièces de théâtre ("Take, o take those lips away" apparaît dans la pièce "Measure for measure"... mais est également attribué au poète John Fletcher... et "Full fathom five thy father lies" est tiré de "The tempest"). Comme le souligne Orlando Bass, le style musical du compositeur est encore en recherche, à cette époque, et relève de l'expérimentation d'atmosphères, de superpositions, de décalages, mais opère avec beaucoup de charme, et un sens très caractérisé de la poésie.


C'est en 2012 qu'est née avec Jean-Christophe Jean-Christophe Rosaz 
l'idée d'un tout nouveau cycle sur des Sonnets de Shakespeare. A l'époque, je souhaitais constituer un programme autour des Sonnets mis en musique par Weinberg (que j'ai eu l'honneur de créer en octobre 2013 à Manchester), ceux mis en musique par Kabalevsky, le Sonnet 66 mis en musique par Shostakovich, que je souhaitais voir complétés par le cycle d'un jeune compositeur. Avec Jean-Christophe, nous avons commencé par passer du temps sur différents sonnets, pour en décoder les arcanes, les sens cachés et dérobés, appréhender les jeux de forme, et nous assurer de leurs parcours poétiques. Les deux premières pièces sont arrivées quelques mois après. L'univers musical, très profondément structuré comme cycle, propose un subtil tissage d'éléments communs aux deux pièces, au travers duquel le piano contribue autant que la voix à la communication des images et des émotions. C'est un langage musical à la fois très imagé, et particulièrement profond, qui épouse ici l'exigeante vision du poète, en déployant une très efficace panoplie de gestes vocaux, où l'on reconnaît sans peine que le compositeur est également un remarquable chanteur. Nous sommes fiers de donner cette création partielle, en attendant qu'un organisme officiel s'implique concrètement dans la création du cycle complet, dont la dernière pièce est toujours à venir.