Orient / Occident

Une rencontre impossible, et pourtant féconde,

 

dans l’opéra

 

 

avec

Laura TABBAA, soprano

Frédéric ALBOU, basse

Brigitte CLAIR, piano

 

 

Note d'intention

Plusieurs motivations nous ont conduits à créer ensemble ce programme.

 

Peut-être la première est-elle que la rencontre de l'Occident avec l'Orient est un enjeu récurrent, dans l'histoire de l'Opéra, depuis au moins l'époque baroque, pour offrir une matière féconde, se transformant au gré de l'histoire musicale et théâtrale. 

 

Mais choisir une telle thématique, aujourd'hui, c'est aussi poser la question en des termes humains, presque métaphysiques. Car, quelles que soient la fascination, le désir , l'admiration, témoignés pour l'Orient par les Occidentaux, la question se pose, avec une dimension morale: qu'en est-il, de la rencontre?

 

Non seulement nous trouverons dans la matière de l'Opéra beaucoup de projections, de préjugés, sinon des situations cocasses, mais il semblera impossible de dégager une réflexion dans laquelle les Occidentaux seront observés par les Orientaux.

Tout au plus, et de manière subtile, captivante, verrons-nous l'Orient utilisé, par moments, comme projection de questions brûlantes en Occident.

 

La question fondamentale que nous avons en fait voulu poser est celle de la possibilité de la rencontre, d'une rencontre équilibrée, respectueuse, dans laquelle chacun envisage légitimement l'autre dans sa différence, dans l'accueil et le respect.

 

C'est cette perspective que nous appelons de nos vœux, dans une équipe composée d'une cantatrice française d'origine syrienne, d'un chanteur d'origines kabyle, viking et grecque, et d'une pianiste d'origines bretonne et italienne... posant sans cesse la question de l'identité culturelle, et des frontières...b

Giuseppe VERDI: Aria di Medora (Il Corsaro)

Laura TABBAA, soprano & Brigitte CLAIR, piano

Enregistrement privé, juin 2018

Giuseppe VERDI: Sogno d'Attila (Attila)

Brigitte CLAIR, piano.

Enregistrement privé, Paris, 15 Mai 2018

Gioacchino ROSSINI: Duetto Semiramide / Assur (Semiramide)

Laura TABBAA, soprano & Frédéric ALBOU, basse

Brigitte CLAIR, piano

Enregistrement privé, juin 2018

Orient - Occident_ DOSSIER.pdf
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Présentation

La fascination pour l'Orient a gagné la musique occidentale avant même la naissance de l'Opéra. Que ce soit avec la Lamentation pour Constantinople, de Guillaume Dufay, ou les Moresche de Roland de Lassus, la période polyphonique témoignait d'une attention constante à ce qui était un véritable topos d'inspiration.

Aussi, c'est tout naturellement que l'opéra naissant s'est fait porteur de ces évocations. Dès la génération suivant Claudio Monteverdi, apparaissent chez son disciple, Francesco Cavalli, des thèmes qui vont se maintenir au répertorie de ce genre nouveau: Didon, Xerxès, Médée, Ciro... Purcell, à Londres, Lully, puis Rameau, à Versailles, Vivaldi, à Venise, Haendel, à Londres, Clück et Piccini, à Paris, Jommeilli, Paiseillo et Cimarosa, à Naples, précèdent Rossini, et offrent un véritable catalogue de sujets orientaux, assorties de traitements musicaux déjà marqués, comme la Danse des Indiens, de Rameau, ou les sortilèges d'Armide, chez Lully, Haendel, ou Glück.

Si nous avons gardé une partition scénique de Monteverdi, traitant de la rencontre entre Orient et Occident, il s'agit d'une oeuvre particulièrement marquante: le Combattimento di Tancredi e Clorinda puise en effet dans un répertoire littéraire parmi les plus sollicités, jusqu'à l'époque de Rossini, et offre une confrontation qui pourrait résumer les enjeux de toutes les histoires représentées à l'opéra sur le sujet!

Les poèmes de l'Ariosti et du Tasso évoquant les croisades nourrissent en effet nombre de sujets d'opéras évoquant l'Orient. Même les Indes galantes de Rameau, qui cherche à se démarque du Roland et de l'Armide de Lully, et proposent un nouveau catalogue d'effets musicaux, demeure tributaire de ces inspirations premières.

La rencontre est d'abord amoureuse, et pose d'abord la question de sa possibilité. La distance, les différences de langues, d'origines,d'éducations, de religions, permettent-elles, ou interdisent-elles, la rencontre, l'union, le bonheur?

Au gré des relations entre l'Occident et l'Empire Ottoman, les réponses varient, dans les ouvrages. Parfois l'humour permet de dépasser des situations compromises: c'est le cas dans L'Enlèvement au Sérail de Mozart, ou dans L'Italienne à Alger de Rossini. A d'autres moments, l'Orient devient objet de fascination, où l'on se perd volontiers, comme dans la Semiramide de Rossini. C'est encore au génie de Pesaro qu'on doit l'évocation du mariage possible, avec le Siège de Corinthe

Les générations suivantes y cèdent volontiers, de Verdi à Rimsky-Korsakov, et jusqu'à la Salammbô de Dusapin. Les Russes font preuve d'une capacité particulièrement impressionnante à restituer certaines échelles et inflexions des musiques orientales. Nous avons d'ailleurs la fierté de présenter, pour la première fois, la version originale de l'Air du Khan Kontchak, tiré du Prince Igor de Borodine, dans la version originale du compositeur, établie par Mme Bulychiova, qui restitue la tonalité volontairement étrangère de si majeur, que Rimsky-Korsakov a neutralisée en si bémol majeur!

Malheureusement, l'interdit frappant la représentation théâtrale, pendant une longue partie de l'histoire commune, en Orient, nous prive d'un regard musical des Orientaux sur les Occidentaux, sur la scène lyrique.

Nous avons été attentifs à équilibrer cette rencontre, et à proposer un parcours, depuis un face-à-face problématique, jusqu'à une véritable collaboration, dans le respect, que nous appelons de tous nos vœux.